Lecture de 5 mn

Hier, j’ai écrit « Quand les objectifs empêchent d’être heureux« .

Aujourd’hui, je vous partage la suite, au travers de mon histoire.

Voici mon voyage entre objectifs, bonheur, réussite, mort et impuissance.


Il y a 20 ans j’ai découvert l’hypnose.

Il y a 12 ans j’ai quitté l’informatique pour me lancer à temps plein dans l’accompagnement.

Il y a 8 ans j’ai commencé à écrire et faire des podcasts sur Hypnoscient, mon site pour aider les praticiens en hypnose.

Depuis 5 ans, j’ai la liberté de travailler de partout dans le monde.

Je ne rends de comptes à personne, je n’ai pas d’équipe à gérer. Si je ne travaille que 4h par semaine tout fonctionne bien et mes revenus sont 3 fois supérieurs à ce que je gagnais lorsque j’étais directeur informatique.

Il y a 3 ans j’ai donné une conférence sur la réussite qui a aidé beaucoup de gens.

Un sentiment d’accomplissement fort, un moment qui marquait la fin d’une quête personnelle : celle de travailler 4h par semaine en gagnant bien ma vie tout en impactant la vie des gens.

Le pied !

Mais cette fin marquait le début d’une longue descente vers le vide et la perte de sens.

La malédiction

En 1993, deux chercheurs ont mené une étude sur l’effet du succès sur les athlètes.

Les chercheurs se sont entretenus avec des athlètes champions du monde de différentes nationalités, sports et sexes pour connaître leurs expériences avant, pendant et après leur premier titre de champion du monde.

82% des athlètes ont déclaré être dans le flow – en pilote automatique – pendant leur performance.

Mais après avoir remporté leur titre, ils se sont orientés vers les résultats, plutôt que sur les processus qui les avaient emmenés à la victoire : ils devaient maintenir leur réussite.

La majorité a connu une forte baisse de leurs performances après leur victoire et si certains ont réussi à rebondir, d’autres n’ont plus jamais réalisé de performance au plus haut niveau.

C’est la malédiction du vainqueur.

Une baisse significative des performances peu de temps après le succès en raison d’attentes internes et externes accrues.

Cette malédiction ne se limite pas au monde du sport.

Dans la vie, on est plus susceptibles de retomber dans nos mauvaises habitudes et nos travers peu après avoir atteint nos objectifs.

  • Les personnes en surpoids ont tendance à reprendre du poids peu de temps après une perte de poids significative.
  • L’amour décline dans les relations peu après le mariage.
  • Les gagnants du loto perdent des millions et se retrouvent ruinés.
  • Les entreprises échouent après un pic soudain de la demande des clients.

Daniel Todd Gilbert en parle bien dans son livre « Et si le bonheur vous tombait dessus« .

Je pensais en être à l’abri, parce que j’en connaissais les enjeux et les mécanismes, que j’avais quelque chose de solide et que j’aimais en place.

Et en fait, pas du tout.

La descente

17 Mars 2020, premier confinement en France.

En pratique pour moi, rien ne change. Je fais déjà tout à distance, je suis à temps complet chez moi et j’aime ça. Un mélange entre père au foyer et solopreneur.

Les réseaux sociaux deviennent dingues, tout le monde est expert de tout ou complotiste d’un rien, ça m’épuise.

2020, je fais le strict minimum, un ami décède subitement, d’autres sont gravement malades et un sentiment de « À quoi bon ? » s’accroche à moi comme un pittbull sur son os que rien n’arrive à décrocher.

2021 touche à sa fin, ainsi que les dernières vidéos de ma formation sur le questionnement qui m’a pris des mois à faire.

J’ai la tête pleine d’idées mais elles ont l’air d’être bien là où elles sont.

2022 passe au rythme des jeux vidéos et de mes covisions 2h par semaine.

Je me sens bien, pas de contrainte, pas d’inquiétude, même si ce « À quoi bon ? » me chatouille.

Ce que je fais suffit.

Tranquille.

Jusqu’à l’accident de ma femme, le 15 aout.

Le rappel

Vacances en Italie, elle part faire une balade avec Dorian, mon fils de 21 ans.

19h15, un appel de Dorian, Stéphanie vient de se faire faucher à plus de 50km/h par une voiture. Elle est vivante, mais mal en point. Une part de moi se demande si je rêve et une autre calcule à une vitesse éclair tous les scénarios possibles.

Je suis sur place quelques minutes plus tard.

L’ambulance est déjà là, Stéphanie n’a que les pieds qui n’ont rien, elle est en sang et une minerve la maintient pendant que les médecins essayent de se faire comprendre. Elle bouge ses jambes, ses pieds, répond aux questions traduites par la conductrice paniquée, qui parle français.

Étrangement, j’ai la foi, une foi personnelle, en la vie, quoiqu’il arrive, ça ira.

Dorian me fait remarquer ma « zenitude ».

Ce sentiment de paix va me perturber pendant longtemps et j’écrirai des dizaines de pages dans mon journal sur ce sujet.

Pendant que la médecin s’agite au téléphone, j’observe Dorian, légèrement blessé, en train de parler à sa mère et de l’encourager. Je le trouve grandi, mature, solide. Dans mon esprit, quelque chose change.

Dorian est devenu adulte.

La médecin demande un hélicoptère qui se pose sur l’autoroute et emmène Stéphanie à l’hôpital de Gênes.

Le sentiment d’impuissance m’assomme.

On ne la reverra que 5 jours plus tard après négociations, les mesures anti-covid interdisent les visites et laissent les familles dans l’attente sur le parking de l’hôpital.

Elle a eu de la chance, 3 cervicales sont touchées, 4 côtes et la mâchoire sont cassées, des blessures importantes sur les mains, aux coudes et au visage et quasiment tout le corps est pansé.

Je la regarde sur son lit, avec sa balafre sur le visage, son corset, ses cheveux en boules de chaque côté et ses difficultés à parler, j’ai l’impression de rencontrer Dark Vador, Albator et la Princesse Leia en même temps.

Je lui dis, ça la fait rire et ça me rassure. Elle arrive encore à rire de mes blagues pourries.

On mettra des jours à être sûrs qu’elle n’a « rien de grave ».

Elle parle, ses jambes et ses bras fonctionnent, elle a toute sa tête et va passer quelques mois avec un corset. Aujourd’hui son corps a pris 30 ans et on lui recommande de déposer un dossier pour qu’on puisse considérer son handicap, pas loin des 30%.

Mais elle a frôlé la paralysie ou la mort, alors je décide de faire la même chose et j’écris un dialogue avec ma mort, que j’ai partagé ici.

Je me reconnecte à ce qui compte.

Le réveil

Quelle différence entre les athlètes qui ont souffert de la malédiction du vainqueur et ceux qui ont continué à réussir au plus haut niveau ?

Une différence essentielle : la focalisation sur les systèmes et les processus, plutôt que sur les objectifs. Leur routine quotidienne est restée intacte. Le processus est la joie, le but.

Je le savais, et je pensais le faire mais j’avais oublié. J’avais oublié pourquoi j’avais quitté l’informatique et le plaisir que j’avais eu à créer hypnoscient quand il n’y avait aucun enjeu.

Écrire.

Partager et discuter sur les réseaux sociaux.

Parler de ce qui me passe par la tête sans objectifs, sans devoir chercher à répondre à des attentes d’un public invisible ou réel, sans objectifs financiers à maintenir.

J’avais arrêté de faire les choses simples qui m’avaient amenées à accomplir ce rêve.

Par peur, par doute, par flemme, pour de mauvaises raisons.

Par insatisfaction de ne plus avoir un rêve comme celui-ci à accomplir.

Par peur de perdre ma tranquillité, la simplicité de ma vie et la liberté qu’elle me procure.

Mais si je savais dire non, je l’avais aussi dit à un autre rêve.

Nous sommes tenus à l’écart de nos objectifs, non pas par des obstacles, mais par un chemin clair vers des objectifs moins importants.

Robert Brault

Alors je recommence.

Ça n’est pas mon premier réveil, faut croire que j’aime bien m’endormir. C’est ok. C’est la vie.

Je décide de ramener à la plus petite tâche ce qui me fait rêver et ce qui me met en joie de faire tous les jours.

Écrire.

Je décide de publier sur tous les jours des idées courtes que je trouve intéressantes, qui m’ont fait réfléchir ou changer, pour le plaisir d’écrire, de réfléchir, d’apprendre et d’échanger avec celles et ceux qui aiment les discussions animées sur les réseaux.

Ce blog, c’est mon nouveau réveil.

Demain je vous parlerai un peu plus des différences entre les habitudes, les systèmes et les objectifs, et de comment trouver l’équilibre entre les trois.

Cliquez ici pour lire la suite.

À lire aussi

À propos de Laurent Bertin


Ancien directeur informatique dans une grande banque française, j’ai tout quitté du jour au lendemain pour devenir praticien en hypnose. J’ai développé mon cabinet, suis devenu formateur, co-directeur d’un grande centre de formation pour tout quitter à nouveau et vivre de mon activité grâce à Internet.

Aujourd'hui, je vous apprend à gagner plus, travailler moins (et mieux) et à profiter de la vie en créant votre marque personnelle pour devenir une autorité dans votre domaine.