Deux jeunes poissons nagent et rencontrent par hasard un poisson plus âgé qui nage dans l’autre sens. Il leur fait un signe de tête et dit « Salut vous deux, comment est l’eau aujourd’hui ? » Les deux jeunes poissons nagent un peu, puis l’un d’eux regarde l’autre et dit: C’est quoi l’eau ?
David Foster Wallace dans « This is Water » discours à Kenyon College – 21 Mai 2005
Les réalités les plus importantes nous sont souvent totalement invisibles.
On est dans l’illusion lorsqu’on est rongé par les histoires qu’on se raconte, par les jugements qu’on laisse être vrai, ou par les manières d’être qui vont à l’encontre de notre vraie nature.
Et il y a des illusions qui sont difficiles à changer parce qu’elles nous sont invisibles. Elles sont attachées à notre personnalité, notre caractère, aux fondations de notre identité et de notre vision du monde.
Ces illusions auxquelles on croit même quand on a l’impression de les avoir dépassées.
Comme cette illusion fréquente qu’on aurait plus de valeur lorsqu’on est « suffisamment bien ».
« Suffisamment bien » qui signifie souvent « plus » ou « jamais assez ».
Plus de connaissances, plus compétent, plus respectable, plus professionnel, plus admirable, plus sympathique, plus digne de confiance, plus sage, etc.
C’est un des pièges des milieux du bien-être.
Un piège qui donne l’impression d’échouer en permanence, et qui mène à l‘impuissance apprise.
C’est encore pire pour les accompagnants.
Cette pression d’être quelqu’un de guéri, d’évolué, une preuve ambulante de ce qui est possible lorsqu’on travaille sur soi. Un phare pour ceux perdus dans leurs souffrances pour leur montrer tous les possibles.
Il faut se montrer bien pour être suivi, aimé, acheté.
Ces illusions incitent à se cacher.
Elles créent l’urgence d’aller mieux.
Au moindre problème, il faut travailler sur soi, changer, progresser, évoluer, montrer que ça va.
C’est une connerie. C’est dangereux. C’est destructeur.
Renoncer au désir de bien-être. Renoncer à vouloir montrer qu’on est bien.
Cela donne la liberté d’être soi.
Pas besoin d’être toujours bien avec soi pour être libre d’être soi.
Y’en a marre de ces injonctions d’amour de soi.
On peut ne pas tout aimer, ne pas tout apprécier.
On peut partager d’autres parties de soi, des parties qui luttent encore dont il ne faut pas avoir honte, qui n’ont pas besoin d’être cachées jusqu’à ce qu’elles aillent mieux.
L’illusion qui ronge le plus…
C’est de croire qu’on peut tout changer, tout guérir.
Tout ne sera jamais complètement guéri.
Le désirer ne fait qu’ouvrir d’autres chemins de souffrances.
Des chemins de prises de têtes, d’oubli de soi, de perte de soi, de néo-spiritualité, de déréalisations et de fuites de la condition humaine.
Tout n’a pas à être guéri.