J’écris souvent sur la différence et la solitude.
Ces articles touchent beaucoup, sans doute parce que j’y partage mes ressentis, mais aussi parce que ça concerne beaucoup de monde.
On échange souvent avec Philippe Aïm, un collègue psychiatre, auteur de plusieurs livres que je vous recommande.
Suite à mon email de la semaine dernière « Oh tiens une extraterrestre » nous avons discuté sur mon canal Telegram.
Voici ce qu’il disait :
Au fond…si chacun se sent extra terrestre par rapport aux autres, n’est-ce pas plutôt que…
…pour ma part au contraire je me verrais plutôt un peu comme dans cette chanson de Ben Mazué :Si j’ai des différences ce sont les autres qui me les ont soulignées.
Si je me suis démarqué c’est toujours avec l’idée que d’autres auraient pu le faire, que je n’ai pas inventé mais juste parfois servi de porte voix.
Pour le reste, un peu comme dit la chanson…
j’ai un iPhone et je passe trop de temps dessus, je me dis qu’il faudrait faire quelque chose pour le climat et me moque de tous ceux dont je fais partie qui croient y faire quelque chose en triant leurs déchets,
J’aimerais que mes enfants soient épanouis alors j’essaie de leur ouvrir des portes, je crains que ça leur ouvre rien de spécial et j’essaie de me faire à l’idée qu’ils feront leur chemin même si je ne sais pas comment…
J’aime pas les conflits, j’aime l’espoir, je pense qu’on se regarde et qu’on s’écoute pas assez
J’adore écouter et découvrir des gens mais j’aime aussi un peu parler de moi.
J’ai des tas de compétences mais je me demande sans cesse si je suis légitime pour en parler tout en voulant m’en servir face à ceux dont je trouve qu’ils disent n’importe quoi,
Je sais que je vais mourir mais le plus clair de mon temps je le passe à faire comme si j’allais être éternel,
Etc etc.
Bref: je suis pas différent, pas très original.
Et je trouve ça pas si simple même « de me sentir de la même planète ».
Comme quoi on a toujours des raisons de se plaindre de notre lien aux autres.
J’aime les autres et je suis tout sauf solitaire. Les gens c’est ce qui m’émeut …et ce qui me complique le plus.
Non vraiment, je suis pas très original je crois.
Philippe Aïm
Je partage cet avis et je pense que beaucoup de gens mélangent tout.
Être différent, original, unique se mélangent et n’ont rien à voir avec le sentiment de différence.
Nous fonctionnons tous de la même façon, quand on connaît les biais cognitifs et les mécanismes humains, on se rend compte que nous sommes des machines en mode automatique, et qu’on est tous pareils.
Ces apprentissages nous ont rendus uniques mais similaires : on a tous une histoire de vie, des expériences difficiles, des joies, des illusions qui nous rongent et des souffrances qui ne partiront jamais.
On s’est tous sentis seuls ou différents à un moment donné ou à un autre.
On a tous besoin de sécurité et en même temps d’imprévisible, d’aimer, d’être aimé, d’être utile et d’évoluer.
Pas très original.
Le sentiment d’être différent est chez tout le monde, encore plus dans les profils atypiques. HPI / Asperger / Surefficience mentale, ça existe et ça pose plein de problèmes, même si par moment ça devient une excuse à tout.
Parce qu’on n’a pas été accepté plus jeune, parce qu’on n’a pas osé communiquer nos émotions, nos ressentis, parce qu’on les a communiqués mais rabaissés et rejetés. Parce qu’on a fait confiance et qu’on nous a trahi, parce qu’on a essayé des choses et échoué, parce que l’école nous a fait croire qu’on devait s’oublier…
Se sentir différent ne veut pas dire qu’on est différent, ni “original”.
En thérapie c’est un problème, cette tendance à croire que nous sommes seuls à avoir notre problème est un frein majeur au changement, alors que non, c’est normal d’avoir des problèmes et de ne pas réussir à s’en sortir seul.
C’est bien le sujet de mes articles : qu’on n’est pas seuls à ressentir cette solitude, cette différence.
La question est : que fait-on de ce sentiment de différence ?
Accueillir ce sentiment, en faire quelque chose d’utile plutôt que de se sentir mal avec.
Non, ça n’est pas simple.
C’est un chemin.
En plus d’avoir un coût, c’est aussi un ennemi avec de nombreux pièges.
