Lecture de 6 mn

Vous pouvez me faire confiance.

Vous pouvez me croire quand je vous dis que je vous veux du bien.

Est-ce que ça vous aide à me croire ?

Non, bien sûr.

Plus je le dirai, moins vous aurez tendance à me croire.

Je ne peux pas créer la confiance avec des affirmations.

C’est évident…pourtant on l’oublie.

Show, don’t tell

Dans le monde de l’écriture, on lit souvent ce conseil « Show, don’t tell », qui se traduit par « Montre, ne raconte pas ». C’est la base d’une histoire bien racontée qui nous implique et nous fait oublier que c’est une histoire.

Définissons les termes :

  • Raconter signifie qu’on donne des conclusions et des interprétations : on dit quoi penser.
  • Montrer signifie qu’on donne des détails concrets et vivants pour faire vivre la situation comme si on y était et permettre d’en tirer des conclusions.

Raconter, c’est comme lire le récit d’un accident dans le journal.

Montrer, c’est assister à l’accident au moment où il se produit, instants après instants. C’est entendre le bruit du métal et les cris des blessés.

Raconter résume ce qui s’est produit dans le passé ou donne des informations générales qui ne se produisent pas à un moment précis.

Montrer permet d’être témoin des événements en temps réel, dans des scènes réelles avec de l’action et des dialogues.

Raconter éloigne des événements de l’histoire.

Montrer met en scène, implique dans l’histoire et rend actif.

Prenons un exemple :

Raconter : j’ai eu du mal à écrire cet email, ça a été difficile, mais j’ai réussi à trouver l’inspiration et j’ai pu l’écrire.

Montrer :

Hier soir, 23h45.

J’ai les yeux qui se ferment tout seuls, ma fièvre n’arrange rien. Je n’ai toujours pas écrit mon email pour demain matin. J’ai envie d’en avoir rien à faire et de regarder ma série, je trouverai bien une excuse à ne pas avoir envoyé d’email ou peut-être que je l’enverrai plus tard demain…

« Vas-y regarde ta série c’est bon… »

J’ai tellement souvent cédé à la facilité qu’une fois de plus ne changerait pas grand-chose.

Je revois un commentaire sous un de mes articles : « J’ai pris l’habitude de te lire le matin, c’est super, merci ! ».

Je pense à ceux qui prennent plaisir à lire mes articles le matin, à ceux envers qui je me suis engagé justement pour éviter de céder à la facilité.

Je regarde le curseur sur mon écran. Je pose mes doigts sur le clavier.

Mais rien ne me vient. Je ne sais pas quoi raconter, je ne sais pas de quoi parler. Pourtant, j’ai plein d’idées en tête, mais je ne fais qu’entendre « c’est nul » ou « c’est trop compliqué ».

Au milieu des jugements et de l’auto-critique réussit à se glisser un conseil que j’avais bien aimé : « Quand tu ne sais pas quoi écrire, écris sur le fait que tu ne sais pas quoi écrire ».

Alors j’écris. N’importe quoi. Ce qui vient, sans réfléchir. Les mots défilent sur l’écran et parlent d’ennui, de frustration, de colère même. Cette colère de ne pas toujours être trouver la bonne façon d’écrire tout de suite. Je me rends compte que c’est idiot en l’écrivant, comme si écrire était une façon pour moi de m’observer penser et de prendre du recul sur le ridicule de certaines de mes pensées.

Et je dérive sur l’envie de changer de style, de parler de storytelling, d’écriture et du lien entre la vie et l’écriture. J’écris une phrase, puis une autre et finit par s’écrire sur l’écran « Show, don’t tell. »

L’idée a émergé et ça commence à s’écrire tout seul.


Je ne suis pas un grand spécialiste de l’écriture et de la description, j’ai même souvent tendance à « raconter » dans certains articles plutôt qu’à montrer, c’est quelque chose que je travaille, mais ça n’est pas non plus forcément une mauvaise chose. Ça dépend du contexte, j’en reparlerai plus loin.

Reste que quand je vous montre, vous pouvez vous identifier, vous mettre à ma place et deviner mes émotions, mes ressentis, vous suivez ce que je vis en même temps que moi, à ce moment d’hier à 23h45.

Quand je raconte, vous vous dites « ouais, ok ».

Les différences sont essentielles et ce principe d’écriture s’applique à tous les domaines de la vie.

Dans l’éducation, dans les relations affectives, en thérapie, en communication…

Fais-moi vivre l’expérience

Dans l’éducation, on a tendance à dire aux enfants d’être sages, polis, de faire leurs devoirs, d’être rigoureux, de ranger leur chambre et tout ce qu’on peut dire à nos enfants tout au long de la vie.

On dit, mais on ne montre pas toujours l’exemple. Mais surtout, personne n’apprend de ce qui est dit.

On retient les interprétations de ce qui nous est montré quand on nous le dit.

Si je dis à mon enfant que je l’aime comme il est mais que je le corrige dès qu’il fait quelque chose de travers, il retient qu’il n’est pas assez bien.

Si je demande à mon enfant d’être poli mais que je ne dis pas bonjour à mes voisins ou que je parle mal aux gens dans la rue…il retient qu’on peut être irrespectueux et que je ne suis pas cohérent. Et s’il l’est et que je le corrige en l’engueulant, il va retenir que je peux être incohérent et accuser les autres de mon incohérence.

Dans le couple, si je dis sans arrêt « je t’aime » et que j’achète des cadeaux mais que je m’intéresse pas à ce que vit l’autre et à ses ressentis, même quand ça me gêne, l’autre ne retient pas qu’il est aimé, il retient qu’il est acheté.

Si je demande à l’autre de changer pour mieux correspondre à ce que je désire de lui et à ma vision de l’amour déformée par mes blessures…l’autre ne retient pas qu’il est aimé, il retient qu’il est possédé.

En thérapie, si je dis aux gens que ce qui compte pour moi c’est l’autonomie et la responsabilisation, mais que je les bourre de suggestions d’hypno tout-puissant, de conseils et que je les force dans une direction qui m’arrange, ils apprennent à être manipulés et à perdre leur pouvoir personnel.

Ça n’est pas ce que les gens disent qui est intéressant, c’est ce qu’ils montrent (la partie Show) et ce qu’ils cachent dans ce qu’ils racontent (la partie Tell).

Si quelqu’un vous dit « Je suis triste », on peut l’aider facilement si on lui apprend à mettre pause sur le film qui se déroule dans cette phrase racontée.

On pourrait explorer le film derrière ces mots et dérouler l’histoire. Aider l’autre – s’il le souhaite – à « montrer » plutôt que raconter.

Mais parfois, raconter, c’est mieux.

Parfois le plus simple est le mieux

Je n’aime pas les gens bavards qui « montrent » tout en détail et qui ne vont jamais à l’essentiel.

Le « Fais-moi vivre l’expérience » est à l’excès, l’histoire avance à deux à l’heure et on perd du temps sur des détails.

À trop vouloir montrer, on devient lassant, prévisible et l’autre s’ennuie.

L’originalité est devenue banalité.

L’histoire est devenue un blabla insupportable.

La personnalité se perd dans le futile et l’inutile.

James Scott Bell disait :

Parfois l’écrivain prend un raccourci pour aller directement à la partie charnière de l’histoire ou de la scène. Montrer consiste essentiellement à rendre les scènes vivantes. Si vous le faites constamment les scènes importantes qui sont censées se démarquer ne le feront pas et vos lecteurs seront épuisés. »

Montrer est long et ne s’utilise que pour les scènes dramatiques.

Que penser des personnes enfermées dans leurs histoires et leurs problèmes, celles qui se plaignent sans arrêt et qui fatiguent beaucoup leur entourage ?

Elles sont très…loquaces.

Elles ont une tendance naturelle à « montrer » leurs histoires. Elles les revivent en permanence comme si elles y étaient.

Elles pourraient suivre le conseil James Scott Bell et à apprendre à raconter plutôt qu’à se remontrer leur histoire sans arrêt.

Plus facile à dire qu’à faire, mais c’est un exercice intéressant à faire.

Ou mieux sans doute, à apprendre à se raconter les histoires autrement.

Que montrez-vous ? Que cachez-vous ?

On peut facilement faire le lien entre « Show, don’t tell » et notre personnalité.

Ce qu’on cache dans ce qu’on raconte mérite d’être exploré.

Ces phrases courtes dénuées d’histoire et de temps qui nous font mal.

« Je suis nul ».

« Je suis incapable ».

Ce ne sont pas des histoires.

Elles ne montrent rien, elles ne font que raconter une généralité sur nous.

Et on y croit.

Quelles sont les histoires cachées dans ces phrases ? Quels sont les personnages ? Quels sont les conflits ? Les héros ? Les ennemis ?

Et si on voulait raconter l’inverse, comment l’histoire pourrait-elle se transformer ?

« Je suis bon ». « Je suis capable ».

Quelles histoires a-t-on vécues qui prouvent que c’est vrai ? (il y en a toujours).

Le passé ne peut pas changer.

La seule chose qui peut changer c’est la façon de se le raconter.

Au lieu de « raconter », on devrait apprendre à se montrer une autre vérité.

C’est l’exercice que j’ai fait cette semaine en racontant mon rapport à la solitude et à l’amitié, plutôt que juste dire « j’aime la solitude ».

C’est ce que j’ai fait en racontant une histoire sur la responsabilité et le passage à l’action plutôt que de dire qu’il faut être responsable.

Explorez vos histoires dans ce que vous vous racontez quand vous vous sentez moins bien.

Quelle histoire vous raconte une version plus jeune de vous-même ?

Quelles illusions qui vous rongent se cachent dans vos histoires ?

Écrivez des histoires qui vous arrangent.

Racontez votre vie autrement.

Reracontez-vous.

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À propos de Laurent Bertin


Ancien directeur informatique dans une grande banque française, j’ai tout quitté du jour au lendemain pour devenir praticien en hypnose. J’ai développé mon cabinet, suis devenu formateur, co-directeur d’un grande centre de formation pour tout quitter à nouveau et vivre de mon activité grâce à Internet.

Aujourd'hui, je vous apprend à gagner plus, travailler moins (et mieux) et à profiter de la vie en créant votre marque personnelle pour devenir une autorité dans votre domaine.