Vous êtes dans un avion. On ouvre la porte et on vous pousse.
Vous avez de la chance, vous avez un parachute.
Manque de bol, seuls des arbres attendent de vous réceptionner dans leurs branches.
Boom.
Vous voilà coincé dans un arbre, suspendu à quelques mètres du sol, amoché de partout, sans savoir pourquoi vous êtes là.
Vous n’avez aucun moyen de communication.
Que faites-vous ?
La plupart des gens répondent assez rapidement « Je décroche mon parachute ».
Normal, il n’y a pas beaucoup d’autres options que de passer à l’action. Votre survie est en jeu.
Dans la vie c’est nettement différent.
On a tendance à se poser des questions qui ne changent rien à notre situation.
Pourquoi m’a-t-on poussé ? Pourquoi suis-je tombé dans la forêt ? De quelle couleur est mon parachute ? Pourquoi cet arbre et pas celui d’à côté ? Que se serait-il passé si ça avait été un autre avion ? Qui m’a poussé ?
Des questions qui expliquent l’injustice et qui justifient que vous n’y êtes pour rien.
Oui, vous n’y êtes pour rien.
Reste que c’est à vous de décrocher le parachute et de faire le nécessaire pour sortir de la forêt.
C’est ça la responsabilité.
C’est arrêter de chercher des explications à ce qui est pour prendre en main la situation du mieux qu’on peut.
C’est difficile, car notre survie n’est pas immédiatement en jeu. On a le temps de souffrir. Mais si la forêt était en feu, vous seriez sans doute déjà loin.
On a le temps.
On trouvera toujours quelqu’un qui viendra nous donner à boire et à manger. On trouvera toujours quelqu’un pour soigner nos égratignures et nos blessures.
On trouvera toujours quelqu’un pour écouter nos histoires.
Des histoires qui parlent de nos parents, de notre enfance, de notre éducation, du système et des autres.
Des histoires dans lesquelles on refait notre vie de centaines de façons différentes, en imaginant tout ce qui aurait pu arriver si les choses s’étaient déroulées autrement pour nous…
Mais on est toujours là, accroché à cet arbre.
La peur de la mort – la sienne et celle de ceux qu’on aime – est un levier de changement puissant.
Comme j’évoque dans ma lettre les nouveautés ne sont que d’anciennes sagesses :
Nous oublions souvent que nous allons mourir.
Vous vivez comme si vous étiez destiné à vivre éternellement, aucune pensée de votre fragilité ne vous vient à l’esprit, du temps qui s’est déjà écoulé, vous n’en tenez aucun compte. Vous gaspillez le temps comme si vous puisiez dans une réserve pleine et abondante, alors que pendant tout ce temps, ce jour que vous accordez à une personne ou à une chose est peut-être votre dernier.
Sénèque
Plus nous percevons que notre mort est éloignée, plus nous sommes susceptibles de considérer le jour présent comme acquis et de perdre un temps précieux.
Et souvent on le perd en questions inutiles.
Et on reste accroché à notre parachute.
J’utilisais cette métaphore à mes débuts en cabinet pour expliquer aux gens ce qu’on faisait dans les séances.
« Ici, on décroche le parachute, et on sort de la foret », ça vous va ?
Un cadre clair qui motivait les clients et évitait qu’on se perdre en questionnement inutile.
Elle peut même servir de levier thérapeutique symbolique et être étendue en parlant des branches qui peuvent faire mal en tombant, des dangers dans la forêt, de ce qui bloque l’attache du parachute, des chemins à prendre une fois le parachute décroché…