J’aime les paraboles, elles passent des leçons et des principes instructifs.
Il y a une parabole taoïste appelée Sāi Wēng qui raconte l’histoire du fermier et du cheval, sur laquelle je suis récemment retombé.
Elle illustre bien les aspects évoqués dans les derniers billets sur les attentes, la spiritualité et la foi. Consultez la page du blog pour les reprendre dans l’ordre à partir de La formule des émotions.
Il y avait un fermier dans un petit village avec un seul cheval qui l’aidait à gagner sa vie pour sa famille. Les autres villageois disaient constamment au fermier combien il était chanceux d’avoir un si bon cheval.
« Peut-être », répondait-il.
Un jour, le cheval s’est enfui. Les villageois sont venus voir le fermier pour lui exprimer leur sympathie.
« Ton cheval s’est enfui. Quel malheur ! » s’exclament les villageois.
« Peut-être », répondit le fermier.
Quelques jours plus tard, le cheval revint à la maison, avec dix forts chevaux sauvages à sa remorque.
« Quelle bonne fortune. Quelle chance incroyable ! » s’exclament les villageois.
« Peut-être », répondit encore le fermier.
La semaine suivante, le fils du fermier chevauchait l’un des chevaux sauvages dans les champs, lorsque celui-ci lui donna un coup de pied et lui cassa la jambe.
Les villageois sont arrivés pour exprimer leur consternation.
« Quelle malchance », ont-ils dit.
« Peut-être », a répondu le fermier.
Le mois suivant, un officier militaire est venu au village pour recruter de jeunes hommes valides pour la guerre. Le fils du fermier, avec sa jambe cassée, a été laissé derrière.
Les villageois étaient joyeux : « Votre fils a été épargné. Quelle belle chance ! »
Le fermier a simplement souri.
« Peut-être. »
En Chine, lorsque quelque chose de grave se produit, les gens disent « Sai Weng Shi Ma » pour rappeler que les mauvaises choses ont parfois du bon, et inversement.
C’est un conte taoïste, en apparence simpliste, mais qui cache des thèmes comme le yin et le yang, l’équilibre, la paix, le pacifisme, l’ouverture et la réceptivité.
Cette parabole est l’illustration parfaite de la confusion pre-trans de Ken Wilber.
Le fermier a-t-il une foi aboutie ou une foi irréfléchie ?
Est-ce un maître spirituel qui a conscience qu’il fait partie de quelque chose de plus grand, en dehors de son contrôle, qui ne maîtrise pas l’histoire, qui fait confiance au cycle de la vie et a intégré le détachement ?
Ou est-ce un « simple d’esprit » comme Forrest Gump ?
Ou quelqu’un qui n’a pas les capacités intellectuelles pour penser autrement qu’avec un peut-être ?
Impossible de savoir.
C’est la beauté des paraboles, on en apprend souvent quelque chose, même quand on les relit pour la 100ème fois. Les paraboles se déguisent en simpliste pour exprimer la simplicité et la justesse de la vérité.
Ceux du stade développé y verront certainement plus que ceux du stade non développé, et ceux du stade rationnel trouveront sans doute cette histoire irréaliste et ridicule.
Quel que soit son stade d’évolution, le fermier n’a pas d’attente. Il n’attend rien, il suit le cours de la vie et continue son chemin.
Le fermier a conscience – ou non – du cycle de la vie.
Création – Destruction – Reconstruction
Cycle qu’on retrouve dans la nature avec les saisons, dans le tarot de Marseille avec la carte mort, dans les anciennes traditions indiennes, avec le concept de la roue du temps (ou « kalachakra »), et dans bien d’autres approches.
Chaque période de création est suivie d’une période de destruction. Chaque période de destruction est suivie d’une reconstruction et d’une période de création.
C’est le cycle de la vie.
Le fermier n’a pas non plus de croyances sur ce qui se passe, il ne juge pas, ne filtre pas, il ne cherche pas à donner du sens, à juger en bien ou en mal chaque situation.
Notre cerveau juge naturellement, notre culture est binaire, il est difficile d’éviter de catégoriser en bon / mauvais, bien / pas bien. C’est plus agréable de juger que de se confronter à l’incertitude, à l’inconnu, et au « peut-être ».
Le « peut-être » amène la paix si agréable de ne pas s’attacher à un résultat, de ne rien attendre, de cultiver le détachement, d’avoir la foi.
Le fermier laisse l’espace nécessaire pour que les événements existent simplement, qu’ils ne soient ni bons ni mauvais. Ils sont, tout simplement.
C’est la pleine conscience, c’est la foi aboutie.
Celle qui ressemble à de la foi irréfléchie.
Le piège c’est de vouloir en faire un but.
Le fermier taoïste n’a pas cultivé le détachement comme un moyen d’arriver à ses fins. Il n’a pas gardé l’esprit ouvert pour obtenir de meilleurs résultats pour lui-même. Il n’a pas répondu « peut-être » parce que c’est une marque de sagesse.
Ce n’est pas une stratégie, c’est une conséquence, l’aboutissement d’un chemin personnel et spirituel.
On ne peut jamais savoir comment une situation va se dérouler, il n’y a pas d’opportunités ou de problèmes intrinsèques dans le monde : il n’y a que ce qui se passe et la façon dont nous choisissons de réagir.
Si on adhère à cette idée, il parait alors logique de rechercher les opportunités dans chaque situation.
Les attentes ne sont plus centrées sur l’extérieur, mais sur l’intérieur, sur nos perceptions.
Et si on n’attend que des opportunités, peut-on être déçu ?
La foi surpasse les croyances, la recherche d’opportunité surpasse les attentes, les deux se complètent et s’ajoutent.
Une nouvelle formule vient compléter la formule des émotions, c’est la formule de la transcendance.
TRANSCENDANCE = FOI + OPPORTUNITÉ.
Si j’attends de réussir, mais que j’échoue, je suis déçu. C’est humain.
Si je perds un être aimé, je suis triste et je souffre. C’est humain.
Mais si j’ai développé cette spiritualité et cette foi réfléchies, j’y cherche des opportunités. En cherchant, on s’ouvre des possibles, on sort de l’immobilisme.
La foi est infinie et la recherche d’opportunité remet du mouvement.
Ce ressenti se mêle à ceux de la déception, de la tristesse et de la souffrance. Il aide à les dépasser.
La foi ne remplace pas l’humain et les émotions.
Elle aide à les surmonter, à les transcender, à développer cette résilience qu’on remarque chez ceux qui ont souvent beaucoup souffert.
Nous sommes des êtres humains.
Dans l’humain se joue la formule des émotions.
Dans l’être se joue la formule de la transcendance.
La première est là dès notre naissance.
La seconde ne peut exister qu’après ce travail de connaissance de soi, de recherche, d’exploration de nos souffrances et de nos peurs.
Elle se cache dans le silence entre les pensées, dans la Joie de nos activités et de nos passions.
Mais elle ne vient jamais lorsque c’est un but.