On est en 1903. Vous êtes à Kitty Hawk, sur une plage isolée, balayée par le vent.
Vous venez de voir l’histoire s’écrire.
Orville et Wilbur Wright viennent de faire le premier vol motorisé.
Sur 30 mètres.
Et alors ? Ça sert à quoi ? À quoi va servir de se déplacer de façon si compliquée sur 30 mètres ? C’est dangereux, ça coûte cher, on ne peut transporter personne, ça prend de la place…
C’est sans doute ce que s’est dit beaucoup de monde. C’est l’idée que reprend Bob Newhart dans son sketch « Merchandising The Wright Brothers« .
Il incarne un spécialiste du marketing qui discute avec Orville et Wilbur juste après leur vol. Il s’inquiète de la durée du vol et craint que les gens qui paient pour un voyage sur la côte ne soient pas contents de devoir atterrir tous les 30 mètres.
Ça fait rire.
Mais c’est la réaction de la majorité.
Ce « et alors ? ».
C’est normal.
Même des experts ne voient pas les portes vers l’impossible qui s’ouvrent.
La télévision ne pourra pas s’accrocher au marché qu’elle conquiert après les six premiers mois.
Les gens seront vite fatigués de regarder une boîte en contreplaqué tous les soirs.
Darryl Zanuck, producteur de films, co-fondateur de la 20th Century Fox
Je prédis que l’Internet va bientôt devenir une supernova spectaculaire et s’effondrer de manière catastrophique en 1996
Robert Metcalfe en 1995, inventeur de l’Ethernet
Il n’y a aucune chance que l’iPhone obtienne une part de marché significative
Steve Ballmer, PDG De Microsoft en 2007 (1er iPhone est sorti en janvier 2007)
Et vous ? Sur cette plage en 1903, auriez-vous pu prévoir l’avenir ?
Auriez-vous pu prévoir que 120 ans plus tard, chaque jour, 90 000 vols commerciaux circuleraient dans le monde ?
Pourtant c’est dans cet instant – dans ces 30 mètres – que l’impossible est devenu une réalité.
Mais tant qu’on n’en voit pas les effets et les conséquences importantes dans la vie, on a tendance à penser « Et alors ? », « À quoi bon ? ».
Il a fallu attendre 24 ans pour voir l’impact d’un vol de 30 mètres.
Il a fallu attendre 1927 pour que Charles Lindbergh entre dans la légende en devenant le premier pilote à relier New York à Paris, sans escale et en solitaire, entre le 20 et le 21 mai 1927 en 33 heures et 30 minutes.
Cet instant où l’impossible devient une réalité est devenu une expression : « le moment Kitty Hawk ».
Des moments Kitty Hawk, on en a tous eu dans notre vie. Ces petites actions l’air de rien qui ont transformé notre vie.
Mais on l’oublie.
Pourquoi essayer de partager ce à quoi on croit ? Pourquoi publier une idée sur les réseaux ? Pourquoi oser tester un nouvel outil, une nouvelle technique ? Pourquoi oser dire bonjour à cette personne qui nous plaît tant ?
À quoi bon ? C’est si insignifiant.
On attend des moments WAHOU ! extraordinaires.
Cette attente qui nous empêche d’oser, de passer à l’action, de faire un peu chaque jour.
On oublie.
On oublie que le premier pas vers l’impossible n’est peut être qu’un « Et alors ? ».
On oublie que notre réussite personnelle, professionnelle ou affective se trouve peut-être derrière un « À quoi bon ? ».
J’écris en public chaque jour.
Au début, j’ai hésité, je me suis dit « Et alors ? », quel intérêt d’écrire des petits billets qui se lisent en 2 ou 3 minutes ?
On m’a même dit que c’était pas facile, pas forcément utile, parce que je n’aurai plus d’idées, je n’aurai rien à dire, que les gens se lasseraient et des dizaines de raisons pour ne pas faire. Je me les suis racontées aussi.
Et alors ?
Qui sait ?
Cette décision était peut-être un moment Kitty Hawk.
Je ne sais pas, mais si je ne le fais pas, je ne le saurai jamais.