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Vous ne pouvez pas améliorer ce que vous ne mesurez pas.

Peter Drucker

Vous avez peut-être déjà vu cette version que beaucoup de coachs utilisent pour mettre l’accent sur l’importance de suivre ses objectifs et ses progrès.

C’est louable, mais c’est inexact et pose pas mal de problèmes, notamment à cause de la loi de Goodhart.

La citation exacte est :

Si vous ne pouvez pas le mesurer, vous ne pouvez pas l’améliorer

Peter Drucker

La différence est notable.

La citation originale ne dit pas quoi mesurer, ni comment.

Dans la première version, on peut vite conclure qu’on doit mesurer ce qu’on veut améliorer. Et donc, si je veux perdre du poids, il faudrait que je mesure mon poids.

Ça a l’air vrai et logique.

Mais mesurer ses objectifs peut poser de nombreux problèmes.

C’est ce que nous dit la loi de Goodhart.

Toute régularité statistique observée aura tendance à s’effondrer dès qu’une pression sera exercée sur elle à des fins de contrôle.

Charles Goodhart dans son essai de 1975 sur la politique monétaire

Je crois que c’est clair non ?

Si vous êtes comme moi et que vous ne trouvez pas cette phrase très claire, en voici une autre version :

Lorsqu’une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure.

Marilyn Strathern, anthropologue dans son essai de 1997

C’est un principe qui impacte notre vie plus souvent qu’on ne le pense, comme l’effet cobra.

Dans mes accompagnements, je l’ai constaté dans presque tous les domaines de vie : l’entreprenariat et le marketing, l’éducation des enfants, le développement personnel et même les relations affectives…

Comme on a tendance à croire qu’on n’en est pas victime, je vais vous donner des exemples variés pour illustrer ce propos.

Moscou fixa à une usine de clous un quota sur la quantité de clous produits. Ils produisirent des centaines de milliers de clous…minuscules et inutiles. Lorsque Moscou s’en rendit compte, ils fixèrent un quota sur le poids par clou. Ils produisirent des clous lourds de type crampon de chemin de fer…

L’intelligence artificielle rencontre les mêmes problématiques.

Si on fixe un objectif spécifique à une IA, elle fera tout son possible pour atteindre ses objectifs, sans prendre en compte le contexte ou le bon sens commun.

Une des premières IA avait été programmée pour jouer à Tetris. Elle conclut que pour ne pas perdre, le plus efficace était de mettre le jeu en pause. C’est comme dans de nombreux films où les IA concluent qu’il faut tuer les humains pour réussir la mission.

On retrouve ces problématiques dans notre quotidien, en particulier avec les applications sensées aider à accomplir des tâches.

Si on veut méditer 5mn par jour et que ça devient l’objectif, on risque de perdre les effets de la méditation en se mettant la pression ou en le faisant « parce qu’il faut le faire ». Tout ça pour pouvoir cocher la case dans son application.

Les exercices de gratitudes – et les routine matinales – posent ce genre de problèmes. On fait tout pour respecter un système soi-disant miracle qui ne nous convient pas forcément. La frustration générée est plus importante que les bénéfices des exercices.

Si on mesure et anticipe son chiffre d’affaire et qu’on en fait un but chaque année, on peut rater des opportunités, des idées ou prendre de mauvaises décisions de développement.

Si on fait de la publicité et qu’on mesure le nombre de clics sur notre publicité, on rate l’essentiel : le taux de conversion.

Si on mesure la réussite de ses enfants à leurs notes scolaires, ça peut les inciter à tricher, à rester dans les clous, à réduire leur créativité, leurs prises de risques. Ils pourraient devenir focalisés sur les résultats plus que sur les processus et l’effort, ce qui pose de nombreux problèmes.

Dans le couple, si on décide d’installer des habitudes pour passer des moments ensembles et sortir de la routine … ces habitudes deviennent des routines ennuyantes et on peut avoir l’impression que sortir avec l’autre est devenu bien lassant. Ça marche aussi avec les enfants qui finiront par dire « pff on est obligés d’y aller ? ».

Ça a l’air évident, mais ces erreurs et ces problématiques sont très fréquentes, même chez les experts.

Les solutions sont devenues les problèmes.

La loi de Goodhart est si puissante qu’elle est à l’origine de phénomènes de société et définit presque l’évolution de notre culture.

Par exemple, on a de plus en plus de vidéos courtes mises en scène et arrangées pour faire le buzz, quitte à maltraiter les gens ou les animaux. On cherche le nombre de vues, pas l’éducation ou le développement de la culture.

Si demain les influenceurs étaient payés à la qualité de leurs contenus…Internet aurait un tout autre visage.

Dans Atomic Habits, James Clear dit :

La mesure n’est utile que lorsqu’elle vous guide et ajoute un contexte à une image plus large, et non lorsqu’elle vous consume.

James Clear

Pour éviter cet effet, il faut plusieurs mesures de vos progrès et coupler une mesure de quantité avec une mesure de qualité. Et surtout, trouver le juste milieu.

Prenons l’écriture comme exemple :

Si j’écris tous les jours n’importe quoi ça ne sert à rien mais si ne je publie qu’un article par an non plus.

Si je regarde ce qui vous intéresse uniquement avec les « J’aime », je tombe dans un biais.

Un article émotionnel et authentique aura toujours plus de « J’aime » qu’un article pratique qui vous sera utile.

Je préfère avoir moins de « J’aime » mais aider plus de monde.

Mais…

Les « J’aime » donnent des indices de ce qui vous plaît et de ce que je peux continuer à développer.

Ça paraît évident quand c’est dit, mais quand on regarde son quotidien, et nos façons d’évoluer et de mesurer nos progrès, on constate vite qu’on se fait piéger par la loi de Goodhart.

Attention aux objectifs et aux mesures.

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À propos de Laurent Bertin


Ancien directeur informatique dans une grande banque française, j’ai tout quitté du jour au lendemain pour devenir praticien en hypnose. J’ai développé mon cabinet, suis devenu formateur, co-directeur d’un grande centre de formation pour tout quitter à nouveau et vivre de mon activité grâce à Internet.

Aujourd'hui, je vous apprend à gagner plus, travailler moins (et mieux) et à profiter de la vie en créant votre marque personnelle pour devenir une autorité dans votre domaine.