À l’époque de l’Inde coloniale, il y avait trop de cobras autour de Delhi.
Une prime a été mise en place pour quiconque ramenait un cobra mort.
Malin ?
Pas vraiment.
La population a commencé à élever des cobras pour obtenir la prime.
Les autorités s’en sont rendu compte, ont supprimé la prime, les fermes à cobras ont fermé et les cobras élevés ont été relâchés dans la nature.
Résultat de la prime : la population de cobras a considérablement augmenté.
C’est l’effet cobra : lorsqu’une tentative de solution entraîne des conséquences inattendues.
L’effet cobra est très fréquent, on le trouve parfois sous le nom de « Perverse Incentive » (incitation perverse), en voici d’autres exemples :
- Dans le Hanoi colonial français, une prime sur les queues de rats a eu les mêmes effets que pour les cobras.
- L’élimination des cochons sauvages à Fort Benning, en Géorgie, à 40 $ la queue de cochon, qui n’a pas fait long feu. Les chasseurs appâtaient les cochons avec des restes, ils apprirent à éviter les chasseurs et se reproduirent encore plus.
- La capitale de la Colombie, Bogota, a essayé de réduire les embouteillages en interdisant à chaque voiture de circuler un jour par semaine. Les gens ont commencé à acheter plus d’une voiture et à conduire davantage le week-end.
L’effet cobra n’est pas réservé qu’aux phénomènes sociaux complexes.
Dans les addictions par exemple. La dépression, l’anxiété et d’autres problématiques émotionnelles peuvent générer la consommation d’alcool ou d’autres drogues, ce qui va masquer le problème pendant un moment, et finir par l’aggraver, avec des problèmes en plus.
À un niveau individuel, on a tendance à installer des solutions inefficaces pour résoudre nos problèmes. On cherche l’immédiateté et ça devient le problème : on tombe dans les pièges des milieux du bien-être.
Qui ne s’est jamais senti bien en lisant un livre, prêt à tout transformer en le refermant ?
Qui n’a jamais été aussi heureux que pendant un stage, un séminaire ou un atelier pour retourner à la réalité quelques jours plus tard ?
On croit qu’on va mieux parce qu’on se prend son shoot de vidéo positive, de motivation, de caresse dans le sens du poil, sa dose de « tout est possible sans effort » car il suffit « d’attirer à soi ».
En apparence, on prend soin de soi alors qu’on s’enfonce de plus en plus dans la quête du bonheur et du mieux.
On se prend l’effet Cobra en pleine tête.
En thérapie, c’est pareil.
Comme patients, on aimerait changer vite, et on finit par reprocher à la thérapie de ne pas aller assez vite, on se sent de plus en plus démunis, on va de moins en moins bien.
Comme thérapeutes, c’est facile de mettre sans s’en rendre compte une pression de la réussite sur le client, qui se sentira mal, nul, impuissant et ne reviendra pas en se disant que rien ne peut l’aider.
Dans l’éducation, vouloir empêcher à tout prix que son enfant souffre et soit exposé aux difficultés crée de la sur-protection. Cela retire de l’autonomie, de la confiance, de la résilience et des capacités à prendre des décisions à l’âge adulte.
Pour éviter l’effet cobra, il faut réussir à changer sa façon de penser.
C’est un vaste sujet mais une des techniques les plus simples et les plus efficaces est de penser à travers le temps avec la technique du 10-10-10.
Quelles sont les conséquences de ma décision dans 10 minutes? Dans 10 mois ? Dans 10 ans ?
C’est une bonne technique de tenue de journal personnel à utiliser sur les projets à venir, les décisions à prendre, et même pour sortir du biais d’engagement de décisions passées.
