La qualité de nos décisions détermine la qualité de notre vie.
Mais prendre de bonnes décisions est compliqué pour tout le monde et les clés pour en sortir ne sont pas si évidentes au premier abord.
Et même quand on le sait, ça demande une attention de tous les jours pour éviter de tomber dans ces pièges.
Les experts, l’avenir et les chimpanzés
Si notre perception du futur est erronée, on pourrait s’attendre à ce que des experts fassent moins d’erreurs.
Dans son étude sur les prédictions des experts, le professeur de l’Université de Pennsylvanie, Phillip Tetlock a analysé la capacité des experts à prédire des événements futurs.
Tetlock leur a demandé de prédire la probabilité que divers événements se produisent (comme l’éclatement de la bulle internet, immobilière etc.)
Après 20 ans de collecte et d’étude de 82 361 prévisions d’experts, Tetlock en a conclu :
L’expert n’est pas beaucoup plus doué pour prédire l’avenir qu’un chimpanzé lanceur de fléchettes
Phillip Tetlock
Les prédictions n’étaient pas meilleures que s’ils avaient tiré à pile ou face.
Quelques experts ont fait de bonnes prédictions.
Leurs forces :
- Ils étaient à l’aise avec l’incertitude et la complexité
- Ils étaient ouverts à ce qui remettait en question leurs croyances et leurs hypothèses
Les autres étaient trop sûrs d’eux et s’en tenaient à leurs croyances, quelles que soient les preuves contradictoires.
Ils étaient victimes du biais de confirmation.
Le biais de confirmation
Avant d’aller plus loin, voici une devinette pour vous :
Un père et son fils ont un accident de voiture et sont transportés d’urgence à l’hôpital. Le père meurt. Le garçon est emmené en salle d’opération et le chirurgien dit : « Je ne peux pas opérer ce garçon, car c’est mon fils. »
Question : comment est-ce possible ?
Le biais de confirmation est notre tendance à rechercher et à favoriser les preuves qui confirment nos croyances, tout en ignorant ou en dévalorisant les informations qui les contredisent.
Comme tout un biais cognitif, on en est tous victime, même quand on connaît le biais.
Si vous avez eu du mal à trouver une réponse à la devinette, vous êtes comme la plupart des gens qui se font prendre par le biais de confirmation.
La réponse à cette énigme est : le chirurgien est la mère du garçon.
La plupart des gens cherchent des réponses plus compliquées qui maintiennent la conviction que le chirurgien est un homme.
Je l’ai laissé au masculin – ce qui fausse un peu le jeu pour cette réponse – car c’est adapté de l’anglais dans lequel il n’y a pas de féminin à chirurgien, c’est juste « surgeon ». Mais ça fonctionne quand même.
Et si vous avez pensé à l’autre réponse, vous faites parties des exceptions : le chirurgien est le père dans un couple homosexuel.
Cette énigme est souvent citée comme une démonstration de notre tendance aux préjugés sexistes. Beaucoup négligent la possibilité d’une femme chirurgien, encore plus la possibilité d’un couple homosexuel masculin.
Quand je forme les accompagnants, je leur dis souvent qu‘on reconnaît un expert à ceux qui disent « ça dépend » et qui cherchent toutes les nuances possibles dans leurs réponses.
L’opposé de ça, c’est l’effet Dunning-Kruger dont on a pas mal entendu parler pendant la crise de la COVID.
Le doute, la clé d’une bonne prise de décision
Grands doutes, profonde sagesse. Petits doutes, petite sagesse.
Proverbe chinois
Pour sortir de ce biais, il faut développer la connaissance de soi et de l’humain : on ne peut pas changer ce dont on ignore l’existence.
Il est nécessaire d’être conscient de ses propres limites pour sortir de l’ignorance.
C’est l’excès de confiance qui nous fait tomber dans le piège du biais de confirmation.
On vit le paradoxe de la confiance : l’excès de confiance nous empêche de faire face à l’incertitude avec confiance.
On devient hermétique aux idées différentes des nôtres.
On devient lents et rigides face au changement.
On devient vulnérables à de mauvaises décisions.
La clé ?
Faire du doute une compétence.
Plutôt que rejeter le doute en bloc comme une mauvaise chose, on le canalise pour évoluer, apprendre et éviter les biais.
Les effets sur la confiance et l’estime de soi sont importants.
Parce qu’il faut du courage pour admettre qu’on a tort.
Et il faut encore plus de courage pour réfuter et remettre en question ses propres hypothèses avant la décision.
C’est assez paradoxal car beaucoup de gens cherchent la certitude et la confiance absolue dans leurs prises de décisions ou dans leur domaine d’expertise, alors que c’est justement ça qui empêche de faire face de la bonne façon à l’incertitude et à prendre de meilleurs décisions.
Combien de personnes sont dans ce paradoxe dans leurs problèmes ?
L’excès de confiance qu’ils ne sont pas assez bien ? L’excès de confiance qu’ils ne changeront jamais ? Que ça ne s’améliorera jamais ? L’excès de confiance dans les mensonges de leur éducation ?
Le doute n’est pas toujours l’ennemi, et la confiance pas toujours l’alliée.
Alors doutons.