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Cet article est plus philosophique d’habitude, j’écris sans vraiment de structure ni de but sur un sujet qui me touche, me tient à cœur et m’inspire au quotidien. Peut-être y trouverez-vous vous aussi des pistes de réflexion.

Nombreux sont celles et ceux qui se méfient des manipulateurs, des gens « mauvais » et mal intentionnés.

C’est une bonne vigilance.

Mais le véritable danger est dans la stupidité.

On peut faire comprendre à beaucoup de gens l’importance de l’écologie, de l’équité homme / femme, d’arrêter d’être un connard qui harcèle les femmes dans la rue, etc.

Mais ceux à qui s’adressent vraiment ces messages ne peuvent pas les entendre.

Ils ne sont pas « mauvais », ils sont stupides.

Les gens stupides sont plus dangereux que les gens mauvais.

On peut protester et combattre les personnes malveillantes.

On est sans défense face à la stupidité.

La raison tombe dans l’oreille de sourds et d’idiots qui ne comprennent rien.

Le texte de Dietrich Bonhoeffer, dont s’inspire cet article et que je partage plus bas, est aussi ce qui m’inspire l’idée derrière l’anti-stupidité. Lutter contre l’ignorance, la stupidité, la nôtre et celle des autres.

C’est le véritable danger de notre société, le danger de l’intelligence artificielle qui nous mène vers un monde où la pensée commune est disponible à la demande et qui incitera les gens à externaliser leur réflexion.

La pensée sera déléguée.

Les échanges intéressants et profonds disparaissent au profit de partages inutiles et de discussions de surface sur les réseaux sociaux où la lutte pour l’attention prime sur l’envie d’échanger, de partager, de confronter ses idées et d’apprendre.

Demain, la clarté de la pensée sera tellement rare qu’elle aura plus de valeur, pas moins.

L’histoire de Dietrich Bonhoeffer

Dans le chapitre le plus sombre de l’histoire allemande, à une époque où des foules excitées jetaient des pierres dans les vitrines de commerçants innocents et où des femmes et des enfants étaient cruellement humiliés au grand jour, Dietrich Bonhoeffer, un jeune pasteur, a commencé à s’exprimer publiquement contre ces atrocités.

Après des années passées à essayer de faire changer les gens d’avis, Bonhoeffer rentre chez lui un soir et son propre père doit lui annoncer que deux hommes l’attendent dans sa chambre pour l’emmener.

En prison, Bonhoeffer a commencé à réfléchir à la façon dont son pays de poètes et de penseurs s’était transformé en un collectif de lâches, d’escrocs et de criminels.

Il finit par conclure que la racine du problème n’est pas la malveillance, mais la stupidité.

La lettre de Dietrich Bonhoeffer

Voici une de ses lettres écrites en prison que j’aère un peu pour faciliter la lecture.

La stupidité est un ennemi du bien plus dangereux que la malice. On peut protester contre le mal ; on peut le démasquer et, au besoin, l’empêcher par la force.

Le mal porte toujours en lui le germe de sa propre subversion en ce sens qu’il laisse chez l’homme au moins un sentiment de malaise.

Face à la bêtise, nous sommes sans défense. Ni les protestations ni l’usage de la force ne servent à rien ; les raisons tombent dans l’oreille d’un sourd ; les faits qui contredisent les préjugés n’ont tout simplement pas besoin d’être crus – dans de tels moments, l’homme stupide devient même critique – et lorsque les faits sont irréfutables, ils sont tout simplement écartés comme étant sans importance, comme étant accessoires.

Dans tout cela, la personne stupide, contrairement à la personne malveillante, est totalement satisfaite d’elle-même et, étant facilement irritée, devient dangereuse en passant à l’attaque. C’est pourquoi il faut être plus prudent qu’avec une personne malveillante. Nous n’essaierons plus jamais de persuader le stupide avec des raisons, car c’est insensé et dangereux.

Si nous voulons savoir comment vaincre la stupidité, nous devons chercher à comprendre sa nature.

Ce qui est certain, c’est qu’il ne s’agit pas d’un défaut intellectuel, mais d’un défaut humain. Il y a des êtres humains qui sont remarquablement agiles intellectuellement et pourtant stupides, et d’autres qui sont intellectuellement très ennuyeux et pourtant tout sauf stupides.

Nous le découvrons avec surprise dans des situations particulières. L’impression que l’on en retire n’est pas tant que la stupidité est un défaut congénital, mais que, dans certaines circonstances, les gens sont rendus stupides ou qu’ils laissent faire.

On constate d’ailleurs que les personnes qui se sont isolées des autres ou qui vivent dans la solitude manifestent moins souvent ce défaut que les individus ou les groupes de personnes enclins ou condamnés à la sociabilité.

Il semble donc que la stupidité soit peut-être moins un problème psychologique que sociologique. Elle est une forme particulière de l’impact des circonstances historiques sur les êtres humains, une concomitance psychologique de certaines conditions extérieures.

En y regardant de plus près, il apparaît que chaque forte poussée de pouvoir dans la sphère publique, qu’elle soit de nature politique ou religieuse, contamine de stupidité une grande partie de l’humanité.

Il semblerait même qu’il s’agisse pratiquement d’une loi sociologico-psychologique. Le pouvoir des uns a besoin de la bêtise des autres. Le processus à l’œuvre ici n’est pas que des capacités humaines particulières, par exemple l’intellect, s’atrophient ou s’effondrent soudainement.

Il semble plutôt que, sous l’impact écrasant de la puissance croissante, les humains soient privés de leur indépendance intérieure et, plus ou moins consciemment, renoncent à établir une position autonome vis-à-vis des circonstances émergentes.

Le fait que l’homme stupide soit souvent têtu ne doit pas nous faire oublier qu’il n’est pas indépendant. En discutant avec lui, on a pratiquement l’impression de ne pas avoir affaire à une personne, mais à des slogans, des mots d’ordre et autres qui se sont emparés de lui. Il est envoûté, aveuglé, malmené et abusé dans son être même.

Devenu ainsi un outil sans cervelle, l’homme stupide sera également capable de tout mal et en même temps incapable de voir qu’il s’agit d’un mal. C’est là que réside le danger de l’abus diabolique, car c’est lui qui peut détruire l’être humain une fois pour toutes.

C’est à ce moment précis qu’il apparaît clairement que seul un acte de libération, et non d’instruction, peut venir à bout de la stupidité.

Nous devons nous rendre à l’évidence que, dans la plupart des cas, une véritable libération intérieure n’est possible que lorsqu’une libération extérieure l’a précédée.

En attendant, il faut renoncer à toute tentative de convaincre la personne stupide. Cet état de fait explique pourquoi, dans de telles circonstances, nos tentatives de savoir ce que « les gens » pensent vraiment sont vaines et pourquoi, dans ces circonstances, cette question est si peu pertinente pour la personne qui pense et agit de manière responsable.

La parole de la Bible selon laquelle la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse déclare que la libération intérieure de l’être humain pour vivre une vie responsable devant Dieu est le seul véritable moyen de vaincre la stupidité.

Mais ces réflexions sur la stupidité sont aussi une consolation en ce qu’elles nous interdisent totalement de considérer la majorité des gens comme stupides en toutes circonstances.

Tout dépendra en fait de la question de savoir si ceux qui détiennent le pouvoir attendent davantage de la stupidité des gens que de leur indépendance intérieure et de leur sagesse ».

Dietrich Bonhoeffer, extrait de « After Ten Years » dans Letters and Papers from Prison

Se libérer de sa propre stupidité

Vaste sujet.

Reconnaître les influences extérieures qui ont pu nous rendre « stupides », nos parents, la société, nos modèles du passé, des amis, des rencontres, des proches…

Prendre conscience de notre manque d’indépendance.

Comprendre notre « stupidité » passée, pour s’affranchir de son emprise et du pouvoir que notre stupidité à laisser aux autres.

Sortir de la culpabilité, des « si j’avais su », des regrets et des erreurs commises.

Ce ne sont pas des erreurs, c’était de la « stupidité » au sens du manque de libération intérieure et extérieure.

C’est un défaut humain.

Ce manque d’indépendance inévitable qui vient avec le chemin vers l’adulte ne devrait pas susciter de regrets, de culpabilité et de doutes.

Se détacher des situations, des personnes ou des environnements qui ont contribué à notre « stupidité » passée, accepter de s’éloigner de relations toxiques ou de situations néfastes pour notre développement personnel.

La libération intérieure réside dans la responsabilité envers soi-même et envers quelque chose de plus grand.

Bonhoeffer parle de la responsabilité envers Dieu.

Je préfère parler de spiritualité, d’évolution personnelle, du développement d’une philosophie de vie qui nous convient.

Cette responsabilité qui vient avec le « grand », le beau, et ce qui nous est sacré.

Se libérer de la stupidité des autres

Ces parents aveugles aux conséquences de leurs mots.

Ces idiots aveugles aux conséquences de leurs actes.

Toute cette stupidité et ce manque de perspective, de sagesse et de remise en question qui nous a fait du mal.

Ça n’est pas de notre faute.

C’est la faute de la stupidité, ces aveugles à la violence de leurs mots et de leurs actes.

Nombreuses sont les victimes de l’ignorance et de l’idiotie.

Nombreux sont celles et ceux qui passent leur vie à y chercher un sens, des explications, à chercher à expliquer et à raisonner les idiots du passé.

C’est presque une quête perdue, une quête personnelle presque stupide en elle-même.

On cherche à expliquer par la raison et à trouver du sens dans quelque chose qui ne peut pas en avoir.

Se libérer de la stupidité des autres demande de puiser dans sa propre force intérieure.

De pouvoir se libérer de sa propre stupidité vis-à-vis de soi.

C’est reconnaître et accepter sa propre stupidité passée ou présente en faisant face à ses erreurs, ses choix ou ses comportements qui n’étaient pas judicieux.

On a tous été stupides, mais comprendre que ça n’était pas de la malveillance est libérateur.

C’est faire preuve de compassion avec sa propre stupidité, son ignorance, ses erreurs.

J’ai été si stupide parfois que ça me fait encore mal, sans doute plus que le mal que ça a pu faire aux autres.

Je ne regrette rien, je n’étais pas méchant ou mal intentionné, juste idiot, ignorant.

Je le suis encore, je le serai encore demain.

Ça n’est pas un jugement, pas une critique, juste des pistes d’évolution, de progrès, d’humilité et d’inspiration.

Rien ne sert de raisonner avec la stupidité, il s’agit de s’en libérer.

Comment ?

Sans doute le sujet de beaucoup d’autres articles, déjà écrits et à venir, et sans doute aussi que la première étape est de la reconnaître quand elle est en nous et à l’extérieur.

Bon week-end,

Laurent

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À propos de Laurent Bertin


Ancien directeur informatique dans une grande banque française, j’ai tout quitté du jour au lendemain pour devenir praticien en hypnose. J’ai développé mon cabinet, suis devenu formateur, co-directeur d’un grande centre de formation pour tout quitter à nouveau et vivre de mon activité grâce à Internet.

Aujourd'hui, je vous apprend à gagner plus, travailler moins (et mieux) et à profiter de la vie en créant votre marque personnelle pour devenir une autorité dans votre domaine.